Qui est l’avocat de DSK? -> Benjamin Brafman, acquitteur en série …
Portrait: Agé de 62 ans, l’avocat new-yorkais de DSK s’est construit une réputation de pénaliste hors pair.
En 1998, dans un long portrait que lui consacrait New York Magazine, il était déjà décrit comme «l’homme qu’il faut avoir en numéro abrégé dans son téléphone quand on a vraiment des ennuis». Treize ans plus tard, Benjamin Brafman a toujours la même réputation, «celle de l’avocat providentiel qui peut vous tirer de tous les mauvais pas, même si c’est un peu exagéré», dit de lui un juriste new-yorkais légèrement agacé. Depuis le début de l’affaire Strauss-Kahn, en tout cas, ce petit homme de 62 ans, juif orthodoxe originaire de Brooklyn, est la star indiscutable de l’équipe à deux voix qui défend l’ex-patron du FMI. C’est d’ailleurs William Taylor, l’avocat washingtonien que DSK a contacté en premier parce qu’il l’avait aidé lors de sa liaison au FMI, en 2008, qui aurait aussitôt recommandé de recruter Brafman pour officier devant les juges de Manhattan. En quelques années, ce dernier s’est construit à New York une stature de pénaliste hors pair : défenseur des rappeurs, des joueurs de football américain, et même des parrains de la mafia – même si ceux-là n’ont jamais représenté qu’une infime partie de ses clients.
La notoriété, Brafman l’a acquise en 2001, alors qu’il prend la défense de Sean «P. Diddy» Combs, avec un autre ténor du barreau, Johnnie Cochran Jr. A l’époque, le rappeur, qui est aussi le petit ami de Jennifer Lopez, est accusé d’avoir sorti une arme dans une boîte de nuit et d’avoir ensuite essayé de soudoyer son chauffeur pour qu’il se fasse incriminer. L’affaire fait la une de toute la presse américaine, des dizaines de personnes ont vu Sean Combs, le revolver à la main, alors que des coups de feu ont été échangés. Pourtant, contre toute attente, Brafman obtient l’acquittement.
«Don naturel». C’est à partir de là que l’on va commencer à s’intéresser au talent particulier d’un avocat très à l’aise avec les mots, charmeur, blagueur à l’occasion, même quand il s’agit de se moquer de lui-même et de son 1,68 mètre, et qui semble à chaque fois, ou presque, s’attirer les faveurs des jurés. «Il a ce don naturel d’être en prise avec le jury et le convaincre de se ranger à son point de vue, assure Daniel Horwitz, un avocat new-yorkais. Il a un style très efficace, il n’élève pas la voix, ne s’énerve jamais, et il est très bon quand il est sous pression.» Après Sean Combs, Brafman permet à un autre rappeur, Jay Z, d’éviter la prison dans une sombre affaire de rixe entre producteurs de musique. En 2004, il fait partie de l’équipe d’avocats censés défendre Michael Jackson quand il est accusé de pédophilie, mais il se retirera avant le procès. En 2008, il continue à s’occuper de dossiers hypermédiatisés et défend Plaxico Burress, une star des Giants, l’équipe de football américain de New York, lui aussi surpris en possession d’un revolver. Brafman convaincra finalement le sportif de négocier une peine de deux ans de prison, et s’indignera, devant les caméras de télévision, du fait que le joueur a été traité plus sévèrement à cause de son statut de «célébrité».
Lui, en tout cas, entre dans le cercle très restreint des avocats new-yorkais qui se sont fait un nom. Et qui demandent des honoraires en conséquence (il se ferait payer plus de 1 000 dollars de l’heure – 680 euros – pour défendre DSK, selon plusieurs sources). Il a le physique de l’emploi, avec ses cheveux blancs peignés en arrière et ses costumes toujours impeccablement coupés. Et un parcours quasi sans faute pour cet enfant de Brooklyn dont les parents ont fui l’Holocauste et qui n’a pas toujours montré à l’école la même application que durant ses procès. Petit rigolo, alors qu’il fait le serveur dans un restaurant pour payer ses études de droit (qu’il suivra dans l’Ohio à cause de ses notes moyennes), il monte un soir sur scène pour remplacer un comique. Son humour fera son chemin jusque devant les tribunaux.
«Energie». Mais la force de Brafman, c’est aussi son incroyable capacité à travailler les dossiers et à développer une stratégie. «Pour lui, il n’y a pas d’affaire qui ne soit pas défendable, assure un avocat qui le connaît bien. Il étudie chaque aspect, le moindre petit détail. S’il n’y a pas de preuve irréfutable qu’un crime a été commis, il va mettre toute son énergie à instiller le doute dans la tête des jurés. Et généralement, il y parvient, car il n’aime rien de moins que l’échec.»
Avant d’ouvrir son propre cabinet à New York, en 1980, Brafman a aussi travaillé comme adjoint du procureur au parquet de Manhattan. Là encore, il ne refuse aucun dossier, va même jusqu’à attaquer un employé des parcs de New York qui empoisonne les pigeons. Et gagne 23 affaires sur 24. Quand il décide de «passer de l’autre côté» et de s’installer à son compte comme avocat, avec 15 000 dollars empruntés à la femme de son grand-père, il garde la même philosophie et se dit prêt à prendre «tous les clients». C’est à cette époque qu’il défend l’un des membres du clan des Gambino, la célèbre famille mafieuse new-yorkaise qui se retrouve devant la justice en 1985. Son client, Anthony Senter, est un sous-fifre accusé de meurtre. Il s’en tire, acquitté de 21 des 22 chefs d’inculpation pesant contre lui, alors que tous les autres Gambino iront en prison.
Presse. Pour tous ceux qui le connaissent, le plus frappant, peut-être, depuis le début de l’affaire Strauss-Kahn, c’est que Benjamin Brafman a choisi de garder un silence total, notamment avec la presse. Par le passé, il n’a jamais hésité à utiliser les journaux pour y distiller des «informations» à son avantage. Une fois, il avait même suggéré qu’un agent de la DEA, l’agence de la lutte contre la drogue, qui mettait en cause l’un de ses clients, avait une «liaison» avec l’une des membres de l’équipe du procureur. «Il sait parfaitement recourir à la presse quand il le faut, dit encore Daniel Horwitz. Là, clairement, il a décidé qu’il valait mieux se taire. Mais le jour où il va parler, il réservera sans aucun doute quelques surprises…»
Très à l’aise avec les mots, charmeur, blagueur à l’occasion, Benjamin Brafman semble à chaque fois, ou presque, s’attirer les faveurs des jurés.
Source: liberation.fr